La
Terrasse du Roi Lépreux ne semble pas devoir être rattachée à la
Terrasse des éléphants. Par des amorces de
murs qui se raccordent à ses parois, elle paraît plutôt avoir fait partie d'un
ensemble distinct relativement important qui aurait été remanié.
Elle est constituée d'un massif rectangulaire de maçonnerie de grès de 25 m de
côté, épaulé sur sa face ouest par une butte de terre. D'une hauteur
approximative de 6 m, ce massif forme une avancée à redans sur les vestiges d'un
mur qui est pratiquement dans l'alignement de la
Terrasse des éléphants. Chacune de ses
faces est recoupée horizontalement par six registres ornés de sculptures
exécutées en haut-relief. Un septième existait, mais il a en grande partie
disparu. L'ensemble de ces reliefs sont considérées actuellement comme étant
parmi les meilleures de l'art khmer.
Sur la façade nord du mur externe, on voit des personnages assis sous des
portiques de palais, dans des attitudes assez figées : un roi ou un haut
dignitaire, glaive en main, semble assister à la démonstration d'un avaleur de
sabre.
Sur les parois est et sud, nous ne voyons, sur presque tous les registres,
qu'une succession de femmes assises, le torse nu, coiffées d'une haute « tiare »
triangulaire flammée. Par intervalles, des personnages masculins assis, glaive
ou bâton en main, semblent surveiller la gent féminine. Au registre inférieur du
mur, des naga géants, déployant leur corolle de neuf têtes, sont généralement
surmontés par des êtres à l'aspect démoniaque, la plupart armés d'un glaive,
souvent encadrés par des « déesses » portant un éventail. On remarque aussi des
danseuses sacrées (Apsara) esquissant un gracieux mouvement. |
Le mur intérieur, mieux
conservé, permet de voir des naga à neuf têtes, au « nez » proéminent, surmontés
par d'autres reptiles à cinq têtes, flanqués de compagnes agenouillées, coiffées
d'une « tiare » montrant des petits naga dressés comme des flammes. Certaines
tiennent dans une main un bouton de lotus. On remarquera aussi, au registre
inférieur, des personnages mitrés chevauchant d'étranges animaux.
Pendant très longtemps, trois images de pierre ont trôné sur cette plateforme.
Deux statues de petite taille, décapitées, portant une massue sur l'épaule
droite, entouraient l'effigie, plus grande, du « Roi lépreux », aujourd'hui
transportée au Musée national de Phnom Penh. Depuis, une quatrième statue,
complète, a été découverte. Actuellement, une copie de ce « Roi lépreux »
apparaît, reposant sur un simple dallage, assis « à la javanaise », le genou
droit levé supportant l'avant-bras, dont la main fermée devait tenir une arme.
Sa coiffure nattée et torsadée lui tombe dans le dos. Le léger rictus de sa
bouche découvre deux « crocs » à la commissure des lèvres, surmontées par une
légère moustache frisée. Complètement nu - représentation rarissime dans le très
pudique art khmer - et asexué, il ne montre aucune des marques de la lèpre,
contrairement à sa dénomination, qui tient davantage de la légende et de la
littérature que de la réalité des faits. |