|
Les monuments Khmers
En partant de thèmes
typiquement indiens, les Khmers ont su créer des modèles profondément originaux.
Ils ont excellé en architecture, art dans lequel ils furent des concepteurs de
génie. Dans la réalisation, leur talent s'est manifesté plutôt dans la
décoration et la sculpture que dans la maçonnerie et sa mise en œuvre. Les
Khmers ont adopté deux dispositions pour construire leurs sanctuaires :
|
 |
- Le
Temple plat qui consiste en une terrasse légèrement surélevée supportant une
série de tours généralement dédiées aux souverains défunts ou aux parents du
roi.
- Le
Temple montagne, qui consiste en une pyramide tronquée à plusieurs degrés, telle
que nous pouvons la voir à Angkor Vat. La pyramide
à degrés constitue le lieu privilégié où la communication entre la terre et le
ciel est possible, au grand bénéfice du souverain, de sa cour, du royaume et du
peuple. |
 |
|
Symbolisme
De nombreuses créations
monumentales dans le Sud Est asiatique et, plus particulièrement, au Cambodge
sont la représentation en réduction de l'Univers, telle que l'a conçue l'Inde
brahmanique : au milieu d'un continent central, s'élève le mont Meru, la
montagne cosmique qui est entourée par les astres et par six autres continents
disposés tout autour en anneaux concentriques. Cette montagne est aussi bordée
par sept océans, le dernier étant limité par une barrière rocheuse. Le type
architectural adopté au
Cambodge pour représenter le mont Meru s'est porté sur la pyramide à
degrés. Il est curieux de constater que l'Inde,
qui a promu le symbolisme du mont Meru, n'a jamais réalisé sur son propre sol
d'édifices en forme de pyramide surmontée de tours en quinconce. Les architectes
khmers ont donc su réaliser avec le Temple montagne la forme originale qui
correspond le mieux au symbolisme du Meru, axe de l'Univers.
Destination
Il semble maintenant établi
que ces monuments sont à la fois Temple et tombeau. Ce sont des Temples, car
c'est dans le sanctuaire principal que le souverain ou le grand prêtre viennent
invoquer le dieu ou les dieux pour les inviter à dispenser leurs bienfaits sur
leur personne et sur le royaume.
Les Temples Khmers sont aussi des tombeaux, en ce sens qu'ils deviennent la
demeure du roi défunt, alors identifié au dieu qu'il a choisi. Les cendres
récoltées sont déposées dans une urne qui trouve sa place dans le Temple. Les
restes des grands du royaume reposant au cœur du Temple, cela permet de dire que
le Temple est aussi un tombeau. |
|
 |
Orientation
Le maître d'oeuvre -
probablement un prêtre désigné pour cette occasion particulière - détermine la
position exacte que doit occuper l'espace sacré. L'axe principal autour duquel
s'organise l'ensemble de la composition est oriente exactement est-ouest, avec
parfois un léger décalage dû à un impératif topographique ou à des
considérations astrologiques particulières. Un tracé nord-sud perpendiculaire à
ce premier axe est déterminé. à de rares exceptions près, l'entrée principale du
Temple fait face à l'est, là où le soleil apparaît le matin. Il est intéressant
de signaler que, dans la région d'Angkor notamment,
plusieurs monuments se trouvent disposés sur un même alignement, ce qui n'est
peut-être pas le fait du hasard. |
|
 |
Proportions et effets d'optique
L'élancement en hauteur du
Temple khmer est une des caractéristiques de l'architecture de l'ancien
Cambodge. Dès l'origine, l'adoption du système de voûte en encorbellement, pour
couvrir les sanctuaires, a conduit à créer cette envolée, mais il apparaît que,
plus tard, au cours du XIIe siècle, cet élan a été recherché et même accentué
par le jeu des étages en réduction qui surmontent les tours. Le même effet
d'élancement a été utilisé pour le Temple montagne : partis d'un massif à base
carrée, les gradins se superposent en diminuant progressivement de périmètre et
de hauteur, jusqu'à la dernière plate-forme où se trouve le sanctuaire
proprement dit. |
|
L'architecture khmère
L'ordonnance des plans des
premières réalisations khmères, qu'elles soient Temple plat ou Temple montagne,
est relativement simple. Au cours des siècles, la disposition et les volumes des
divers éléments du plan ont évolué pour produire des modèles quasiment parfaits,
comme par exemple Angkor Vat, pour le Temple
montagne, et Banteay Samre, pour le Temple plat.
Le Temple pré-angkorien que l'on situe entre le VIIe et le IXe siècle, ne
présente pas, en général, un plan très élaboré : il se compose d'un seul
sanctuaire, entouré d'une douve carrée ou rectangulaire. L’accès au Temple se
fait par une chaussée de direction est-ouest, située dans l'axe du monument. à
la fin du IXe siècle et au début du Xe siècle, se précise la tendance de
rassembler sur un seul soubassement de petite hauteur plusieurs sanctuaires d'un
nombre généralement impair, et de les établir sur un seul rang, tout en donnant
une plus grande importance au bâtiment central (Prasat Kravan). Dès le début du
IXe siècle, l'architecture de la période angkorienne, aboutissement des
réalisations précédentes, fait apparaître petit à petit des plans d'une certaine
ampleur, tracés suivant des compositions de plus en plus savantes.
Deux types de plan se dégagent en fonction de la disposition des éléments qui
les composent :
- le plan symétrique par rapport à deux axes se coupant à angle droit est-ouest,
nord-sud.
- le plan symétrique par rapport à un seul axe longitudinal. Ce principe a été
utilisé aussi bien pour les Temples montagnes (Pre Rup,
Angkor Vat) que pour les Temples plats (Banteay Samre,
Ta Prohm). |
|
|
|
 |
Douves et bassins
Dans la symbolique du Temple
khmer, les douves participent, entre autres, au caractère microcosmique du lieu,
car elles sont assimilées aux océans qui, selon la pensée indienne, limitent le
monde. Les bordures de ces douves sont maintenues par des blocs de latérite en
gradins, la margelle étant constituée de grandes dalles de grès. Rien qu'à
Angkor Vat, cette margelle représente une longueur développée de près de 6 700.
Suivant leur destination, on distingue plusieurs types de bassins :
- les bassins qui accompagnent généralement l'allée principale d'accès au
temple, de petites dimensions
- ceux d'Angkor Vat mesurent 53 m sur 110 m.
- les bassins, ou Srah, se situant pour la plupart à l'est, au départ de l'allée
principale d'accès et dans l'axe du sanctuaire. On connaît des Srah de
dimensions moyennes comme le Srah Srang (300 x 700 m) qui est le bassin de
Banteay Kdei.
- les bassins de grandes dimensions ou Baray. Le premier à être aménagé dans la
région d'Angkor est large de 800 m et long de 3 500 m. On doit noter que la
plupart de ces grands bassins comportent en leur centre une petite île sur
laquelle se situe un monument plus ou moins important, comme par exemple le
Mebon oriental au coeur du Baray oriental. |
|
Terrasses
Les terrasses annoncent, soit le départ d'une
chaussée, soit la fin de cette chaussée, et l'arrivée devant une porte d'entrée
du Temple (gopura). Ces dispositions se manifestent dans le courant du Xe
siècle, se développent durant le XIe, mais surtout aboutissent au XIIe siècle,
avec le style d'Angkor Vat, à un plan cruciforme de
plus en plus compliqué, la terrasse étant surélevée de quelques niveaux et
précédée de perrons à plusieurs marches. Le style du Bayon
(fin XIIe-début XIIIe) donne une dimension nouvelle à ces plates-formes, avec
notamment la Terrasse royale, dite des éléphants, el celle du Roi Lépreux. |
|
 |
Chaussées d'accès
Plus ou moins étendues, elles marquent
surtout l'axe est-ouest des Temples, avec, la plupart du temps, un développement
nettement marqué pour l'accès est.
Ces chaussées ne sont, tout au moins à leur début, que de simples allées dallées
mais, assez rapidement, elles sont surélevées et peuvent franchir les douves.
Au Temple du Bakong, pour la première fois, apparaissent le long de chaque côté
de la chaussée, en guise de balustrade, des corps de naga en pierre, de fortes
dimensions, posés à même le sol. Par la suite, avec le style du Baphuon, la
balustrade est systématiquement rehaussée et soutenue par des dés.
à l'époque d'Angkor Vat et du
Bayon, les cobras à plusieurs têtes dressées qui terminent les garde-corps
deviennent de véritables œuvres d'art et l'ensemble confère à la chaussée un
aspect véritablement monumental. |
|
Matériaux
Brique
Au
Cambodge, la brique fut le matériau le plus employé dès le VIIe siècle, à
l'époque pré-angkorienne, pour édifier les sanctuaires, mais son emploi ira en
déclinant jusqu'au XIIIe siècle. Les briques sont en général posées à plat et
les joints ne sont pas nécessairement alternés, ce qui occasionne des
dislocations d'autant plus graves que, souvent, la brique n'est qu'en parement,
l'intérieur du mur, toujours très épais, n'étant qu'un blocage constitué de
débris de briques mélangés à de la terre. |
|
 |
Grès
La pierre a
été présente dans toutes les constructions religieuses khmères, de l'époque
pré-angkorienne, au début du VIIe siècle, jusqu'au déclin de la période
angkorienne, à la fin du XIIIe siècle. La plupart des grès qui ont servi à la
construction des Temples d'Angkor proviennent de
carrières situées sur le contrefort sud-est du massif des Kulen. à la fin du IXe
siècle, à l'époque pré-angkorienne, l'usage du grès se développe. Il est surtout
utilisé pour façonner les seuils des portes et leurs encadrements, les
colonnettes, les linteaux, les statues. à l'époque angkorienne, le grès est
employé pour construire la totalité du monument, associé parfois à la latérite. |
|
Latérite
Dans le
périmètre du parc d'Angkor, elle peut être extraite
à une profondeur d'environ 4 m et sur une épaisseur moyenne de 1 m.
La latérite à l'état brut se présente comme un matériau plastique facile à
découper. Les Khmers l'ont prélevée en blocs de 40 cm de haut environ, mais
pouvant atteindre une longueur de 2 m environ. Exposée à l'air libre, cette
matière, en se desséchant, durcit en formant de petites cavités, ce qui la rend
impropre à toute sculpture. La latérite a surtout été utilisée pour bâtir des
murs d'enceinte et comme contre-mur dans les soubassements. Certains Temples
montagnes ont leurs gradins revêtus de latérite qui a été aussi utilisée
concurremment avec le grès.
Bois
Le
Cambodge était et est toujours un pays de forêt
avec une tradition très ancienne du travail du bois, au point que de nombreux
éléments du Temple sont traités, non pas avec une technique de tailleur de
pierre, mais de menuisier ou de charpentier. Durant les périodes
pré-angkoriennes, le bois est utilisé tant pour construire le palais du roi que
l'humble paillote du paysan. Dans les Temples, les portes, les faux plafonds,
les fourrures de linteaux sont en bois. Certains Temples ont même été réalisés
tout ou partie en bois, en attente d'une construction définitive en dur. Il n'en
reste rien. |
|
La construction |
|
 |
Murs
Les murs de
brique des Temples khmers n'étaient pas forcément réalisés en totalité avec ce
matériau mais, souvent, deux parements de brique servaient en quelque sorte de
coffrage au garnissage intérieur en « tout-venant ». Les blocs de grès sont
posés à sec, parfaitement jointifs, si bien qu'on a parfois du mal à repérer un
trait de séparation. Au début de l'utilisation du grès, les joints horizontaux
des murs étaient parfaitement alignés. Par la suite, peut-être à cause de la
rareté de la pierre, on a utilisé des blocs « tout-venant », en les disposant
non en fonction des joints, mais en fonction de la forme plus ou moins
fantaisiste des blocs, pratique nettement visible, notamment, sur les murs du
Bayon. Cette disposition ne pouvait que précipiter la
dislocation des parois en cas de faiblesse des fondations. |
|
|
 |
Voûtes
Dans un
pays où perpétuer la présence d'un dieu dans un sanctuaire constituait un souci
primordial, il était naturel de prévoir comme couverture de ce sanctuaire un
matériau qu'on souhaitait impérissable. Pour ce faire, les Khmers ont eu
recours, dans un premier temps, à la brique et, par la suite, à des dalles de
grès. Cependant, le système de couverture employé - la voûte en encorbellement -
allait limiter la possibilité de franchir de grandes portées et de réaliser de
vastes salles mais, en fait, ce besoin ne se faisait pas sentir, puisqu'il n'y
avait pas lieu d'abriter un groupement important de fidèles. Ce procédé ne
produit aucune poussée latérale sur les points d'appui, mais la défection d'une
seule pièce de l'ensemble entraîne couramment la chute de la voûte tout entière.
Le style du Bayon, avec des tours à visages, ne modifie
pas le système de construction des voûtes, car les visages ne sont sculptés que
dans l'épaisseur du parement. Dans les tours, la partie supérieure de la voûte,
que celle-ci soit réalisée en brique ou en dalles de grès, se termine en étroite
cheminée qui communique avec un conduit exigu qui perce le couronnement. |
|
|
 |
Escaliers
Les Khmers
ont toujours apporté un grand soin à la réalisation de leurs escaliers. C'est
avec l'apparition des Temples montagnes que, par la disposition même de ces
monuments, les escaliers ont pris toute leur importance, au point qu'ils sont
devenus un des éléments essentiels et caractéristiques de l'architecture khmère.
à l'époque pré-angkorienne, du fait de la faible hauteur de la plupart des
soubassements, les marches d'accès sont peu nombreuses et la pente de l'escalier
est douce, avec des marches et des contremarches de dimensions à peu près
égales. Dès le milieu du IXe siècle, au tout début de l'époque angkorienne,
l'adoption du Temple montagne va notablement modifier les proportions des
marches des escaliers d'accès aux sanctuaires ; la contremarche devient plus
importante que la marche, et la pente de certains escaliers ira jusqu'à
atteindre 70 %, si bien que, logiquement, on se demande comment on pouvait
escalader de telles marches et si, en fait, ces escaliers étaient vraiment
conçus pour être gravis. Si la marche courante de l'escalier ne présente pas de
caractéristiques notables quant à sa décoration, la première marche de départ de
l'escalier et même la marche de départ des volées sont traitées en « accolade »
et parfois doublées, avec un tracé mouluré ou décoré plus ou moins compliqué. On
note quelques moulurations de contremarches à partir de la construction du
Baphuon. |
|
Ouvertures
Portes
La
décoration des encadrements est assez rare à l'époque pré-angkorienne, mais elle
tend à se généraliser dès la fin du IXe siècle jusqu'à devenir complexe par la
suite. à l'époque angkorienne, l'entourage des portes ouvrantes et des fausses
portes reste le même, sauf que ces divers éléments sont maintenant réalisés en
pierre. à partir d'Angkor Vat, les piédroits des
portes commencent à être montés par assises. C'est l'étude systématique des
portes et de leur décoration qui a été déterminante pour le classement par
styles de l'architecture khmère. |
|
 |
Fenêtres
On ne
connaît aucun monument de l'époque pré-angkorienne qui comporte des fenêtres.
Les premiers témoignages appartiennent au début de l'époque angkorienne.
l'encadrement des fenêtres part du même principe que celui des portes. On
distingue plusieurs types de fenêtres :
- les fenêtres libres qui ne comportent ni système de fermeture, ni barreaudage.
- les fenêtres à balustres : il s'agit de fenêtres libres qui ont reçu un
barreaudage de balustres en grès tourné, portant des bagues plus ou moins
nombreuses formant des moulures.
- les fenêtres hautes existaient déjà dans certains bâtiments en brique. Elles
sont, la plupart du temps, clôturées par des claustras de forme carrée ou en
losange. Leur encadrement est sculpté dans la brique.
- les fausses fenêtres sont réalisées par un enfoncement du mur. |
|
Supports |
|
 |
Pilier
Le pilier est assez rare à l'époque pré-angkorienne. De section carrée, il est
d'abord monolithe, découpé dans un bloc de grès. Cependant, dans le courant du
XIe siècle, apparaissent les premiers piliers montés par assises. à l'époque
angkorienne, il devient un des éléments caractéristiques du style, où il est
utilisé comme support d'entablement. Il est mis en place dès le début du Xe
siècle dans les galeries à couvertures de tuile et, au XIe siècle, à l'intérieur
des salles. C'est seulement à partir d'Angkor Vat
que les piliers des galeries soutiennent des voûtes en blocs de grès. Le pilier
possède un chapiteau sur lequel s'ordonne une suite de moulures. Sa base
reproduit en général le chapiteau en l'inversant. |
|
Colonnettes
Dès
l'époque angkorienne, les colonnettes monolithes en grès, qu'elles soient libres
ou engagées, ont été employées pour soutenir les linteaux de pierre qui se
trouvent au-dessus des portes et des fausses portes. Au début, leur section est
circulaire. Par la suite, durant la période angkorienne, on rencontre des
colonnettes libres de sections octogonales, obtenues en abattant les quatre
angles d'un bloc de section carrée, mais on trouve aussi, suivant qu'elles font
ou non partie des piédroits des portes, des colonnettes à trois ou cinq faces à
partir d'Angkor Vat, apparaissent des fûts montés
par assises.
Mise en œuvre
La
construction de certains ensembles monumentaux du
Cambodge n'a été rendue possible que par une coordination puissante
de tous les corps d'état, spécialisés ou non dans le travail de la pierre.
L'organisation de chantiers à de telles échelles ne pouvait être le fait que
d'un état fort et solidement établi, disposant de richesses, de grands moyens
matériels et humains, et pouvant, éventuellement, contraindre tout un peuple à
participer à un travail colossal. Mais qui étaient ces ouvriers qui, par
dizaines de milliers, ont œuvré à la construction des Temples ? Tout d'abord des
autochtones, spécialisés dans le travail de la pierre, peut-être formés, au
début, par des sculpteurs venus de l'Inde, des manœuvres qui charriaient les
blocs, des paysans libres ou esclaves, des prisonniers de guerre aussi, et les
hommes et les femmes déplacés à la suite de l'occupation d'un territoire.
évidemment, faute de documents, nous restons dans le domaine des hypothèses.
Si on interprète les échafaudages actuels comme un prolongement possible des
systèmes anciens, avec leurs techniques spécifiques, on peut avancer que les
blocs étaient amenés à pied d'œuvre en glissant sur des rouleaux de bois, qu'ils
étaient ensuite hissés avec des cordages de lianes, grâce à un portique
permettant la mise en place et l'ajustage définitif des pierres. Lorsqu'il
fallait monter les blocs jusqu'aux parties les plus hautes de la construction,
on utilisait soit des troncs d'arbres ligaturés entre eux, qui servaient de
rampes, soit des échafaudages relais. Tous les éléments de bois étaient débités
dans la forêt toute proche. Il est possible que les cavités que l'on remarque
sur de nombreuses pierres aient servi de points d'ancrage pour la manipulation.
La
décoration
Il est bien
évident que la représentation des scènes religieuses sur les murs des Temples
était, avant tout, destinée à édifier les fidèles venus honorer les dieux. De
notre point de vue d'« homme moderne », ces bas-reliefs constituent,
principalement, un merveilleux décor mural. |
|
Dieux principaux |
|
|
Brahma
Il est toujours figuré avec quatre têtes et quatre bras. En
bas-relief, il apparaît dans diverses compositions comme sur les frises des neuf
dieux, où il est monté sur le cygne Hamsa. Il survole le sommeil cosmique de
Vishnou. Sur de rares linteaux de l'époque pré-angkorienne, il est présent comme
divinité principale. |
|
 |
Vishnou
Il est souvent représenté debout avec les attributs dans ses quatre mains : une
sphère (la terre), le disque, la conque et la massue, aussi bien sur la brique
que sur le grès, mais ce sont les images de Vishnou couché sur le serpent
flottant sur les eaux cosmiques, qui sont les plus fréquentes, notamment sur les
linteaux de la période pré-angkorienne, Tous les avatar de Vishnou n'ont pas été
représentés sur les bas-reliefs. Cependant, Krisna, l'avatar principal du dieu,
est présent sur les murs d'Angkor Vat. ou il
intervient dans l'épopée du Mahabharata. Dans d'autres tableaux d'Angkor
Vat, Vishnou s'incarne dans Rama pour mettre un terme au pouvoir
tyrannique des démons qui hantent l'Ile de Lanka. Sous sa forme de tortue, il
est le support du mont Mandara sur le bas-relief du « Barattage de la mer de
lait ». La plupart du temps, Vishnou est monté
sur Garuda. |
|
Shiva
Ses représentations sous l'apparence humaine sont nettement moins nombreuses que
celles de Vishnou, le linga (phallus) demeurant le symbole le plus
caractéristique de ce dieu. Dans les bas-reliefs, c'est dès la fin du Xe siècle
que les images de Shiva deviennent plus fréquentes et se diversifient. Sa
monture est le taureau sacré Nandin. |
|
Personnages divins ou
divinisés
Dans les
temples, les images de ces personnages, qui sont pratiquement communs aux
religions brahmanique et bouddhique, ne jouent qu'un rôle mineur, mais, par leur
présence, ils participent à toute une symbolique.
Les Dvarapala, ou gardiens de porte, se
trouvent sculptés sur les pilastres de part et d'autre des entrées principales
des Temples. Celui situé à droite de la porte, tenant un trident, a l'aspect
bienveillant, tandis que celui de gauche, au faciès inquiétant, tient une
massue. |
|
 |
Les
Devata sont des divinités féminines qui occupent, dans certains
temples secondaires, la même place que les Dvarapala. |
|
Les
Apsara, nymphes célestes nées du barattage de
l'océan, sont particulièrement nombreuses sur les murs et sur les piliers des
temples du style d'Angkor Vat.
La scène où les Dieux (Deva) s'unissent aux Démons (Asura) pour baratter
l'océan, se retrouve sur de nombreux bas-reliefs et notamment à
Angkor Vat.
Les Rsi, sages barbus, sont figurés les jambes
croisées et les mains jointes en signe de prière, tant sur les frises que sur
les pilastres, les piliers et les colonnettes. |
|
|
|
Représentations animales |
|
 |
Naga,
le génie des eaux. Le serpent naga tient une place importante tant dans
l'iconographie que dans le décor architectural khmer. Son corps cylindrique
porte plusieurs têtes dressées, toujours en nombre impair, qui forment une
corolle. On le trouve sur les linteaux, supportant le dieu Vishnou endormi sur
les eaux cosmiques. Il sert de corde pour baratter l'océan. Il est présent à
plusieurs époques comme garde-corps des chaussées. De part et d'autre des accès
à Angkor Thom, il est porté par les dieux et les démons, et il évoque,
probablement, l'arc-en-ciel, le lien entre la terre et le ciel. Doublé, il
enserre, comme pour le défendre, le sanctuaire du Neak Pean. Il s'associe très
souvent avec son ennemi, le Garuda l'oiseau mythique -, surtout dans les
balustrades de la période angkorienne, pour former des compositions très
originales. Enfin, dans les représentation:; bouddhiques, il abrite la plupart
du temps le Bouddha en méditation assis sur ses anneaux. |
|
Taureau
Le taureau à bosse ou zébu, grand bovidé domestique originaire de l'Inde,
est figuré en bas-relief, sur les piédestaux, les linteaux et les frontons. Sous
les traits du taureau blanc Nandin, monture de Shiva, on le trouve, couché,
devant les entrées des sanctuaires dédiés à ce dieu. |
|
 |
Eléphant
Il est présent, harnaché, dans toutes les scènes de défilés
militaires ou de batailles. En haut-relief, avec ses trois têtes accolées, il
est la monture du dieu Indra. On peut le voir ainsi aux écoinçons des portes d'Angkor
Thom. En ronde bosse, comme éléphant cosmique, gardien de l'est, il se
trouve aux angles de certains Temples montagnes, surveillant les quatre orients. |
|
 |
Lion
En ronde bosse, il est curieusement interprété, car il prend plutôt
l'aspect d'un caniche assis, hargneux, aux yeux globuleux et aux narines
dilatées, montrant ses crocs. En haut-relief, il est souvent représenté en lion
atlante, dressé sur ses pattes de derrière, comme on peut le voir sur les murs
de la Terrasse des éléphants. |
|
Sujets mythiques |
|
|
 |
Garuda
C'est un « oiseau mythique » qui est aussi bien représenté dans l'iconographie
brahmanique que bouddhique. Il est le véhicule par excellence du dieu Vishnou.
Son corps hybride est humanoïde, son buste et ses cuisses sont emplumés, sa tête
est celle d'un oiseau de proie avec un fort bec crochu, ses yeux sont globuleux
et ses oreilles semblables à celles d'un homme. On le rencontre sur des linteaux
où il occupe principalement une position centrale, ainsi que sur des frises et
sur des bas-reliefs. Il est fréquemment associé au Naga dans les balustrades. |
|
Makara
C'est un animal composite fantastique, au corps de saurien et à la tête
d'éléphant sans défenses, remplacées par une forte dentition. Le corps, très
raccourci, se termine par une queue enroulée en volute. Le Makara joue un rôle
décoratif important, dans l'art khmer. On rencontre parfois la tête du Makara
utilisée en gargouille. Curieusement, et sans vouloir en tirer la moindre
conclusion, cette sculpture semble présenter une certaine analogie avec la tête
du Quetzalcóatl, que l'on
peut voir sur les Temples précolombiens du
Mexique. |
|
|
La
décoration des murs
à l'époque
pré-angkorienne, les murs de brique entre les pilastres sont décorés de grands
motifs sculptés ou modelés avant cuisson. Ils représentent surtout des « palais
célestes ». Ces motifs sont ensuite recouverts d'un mortier de chaux que l'on
ciselait suivant les besoins de la décoration. Dans le courant du Xe siècle, les
murs se couvrent d'un décor ininterrompu disposé suivant une résille en
diagonale, puis la décoration se découpe on carrés ornés de branches fleuries et
de rinceaux Avec le style d'Angkor Vat,
l'horreur du vide des sculpteurs khmers conduit a un décor proliférant en faible
saillie, que l'on peut assimiler à une tapisserie ou à une dentelle. Ce procédé
se développe avec le style du Bayon, et on retrouve des
motifs jusque dans des endroits où ils ne se justifient pas. Dans certains
monuments, surtout s'il s'agit de grands panneaux, la décoration florale cède la
place à la représentation de scènes importantes en bas-relief. |